Co-fondateur de Temps Gourmand, Stéphane nous explique comment a démarré cette aventure et évoque ce que représente, selon lui, le futur idéal de l'alimentation. Découvrez l'interview de Stéphane, co-fondateur de Temps Gourmand.
J’ai fait plusieurs métiers toujours à des postes de créateur et de commercial et avant de créer Temps Gourmand j’ai eu l’occasion de faire l’expérience du métier d’entrepreneur en montant des crèches d’entreprises. C’était une belle aventure; il y a eu une fusion entre les crèches que j’ai créées et un des leaders du marché et à l’issu de cette aventure je n’avais pas forcément envie de retourner dans un emploi de salarié à responsabilité pour un autre employeur mais j’avais très envie de retenter l’aventure de l’entrepreneuriat. Je me suis posé la question de ce que je pourrais faire et j’ai étudié plusieurs pistes. Victor Hugo disait « faites ce pourquoi vous êtes bon et ne faites pas ce qui vous passionne », je n’ai pas du tout suivi son conseil, il dit n’importe quoi. Je me suis dit que j’avais envie de faire plaisir aux gens et que finalement la source universelle de plaisir c’est l’alimentation. Au-delà de cette envie, il y a deux autres considérations : j’ai des compétences pour identifier les bons produits et j’ai toujours pensé qu’il fallait cesser de prendre les gens pour des idiots. L’évolution récente du marché montre que j’avais raison et que les gens commencent à se préoccuper de ce qu’ils mangent ; pas uniquement par rapport à leur santé mais également sous l’angle du plaisir et des saveurs. L’autre facteur qui me donnait envie d’aller dans cette voie, c’était que ça a du sens, c’est quelque chose d’important de se dire qu’on contribue à faire rendre une société meilleure et une des choses qui me désespère le plus dans la société et que moi j’ai vécu ces quinze, vingt dernières années, c’est de constater ce que les gens mangeaient et si je peux contribuer à ce qu’ils mangent mieux, ce sera une vraie source de satisfaction personnelle.
Je me suis rendu compte qu’il y avait à la fois un marché, une rentabilité et une absence d’offre et que c’était plus intelligent que de faire un foodtruck – qui était mon idée numéro 2 – où je n’avais ni compétence, où le marché était saturé et où il y avait moins de rentabilité.
Au moment où j’ai rencontré Annabel, j’étais dans une étape préalable au démarrage. J’avais identifié ce que serait le projet – évidemment il est très différent maintenant de ce que j’avais imaginé à l’époque mais ça c’est toujours comme ça – j’avais néanmoins identifié l’idée de vendre des produits en ligne et pour réussir cela il fallait d’abord que je sois un professionnel de cette industrie et il fallait que je monte une boîte de saumon fumé (ce que j’avais déjà fait avec un autre associé).
Puis, j'ai réalisé que les compétences dont j’avais besoin pour progresser étaient liées à la familiarité avec le milieu de l’e-commerce et du web, du marketing digital en général et que même si c’était des choses que je comprenais bien, c’était des choses avec lesquelles je n’avais aucune familiarité. C’était franchement un vrai problème pour monter ce projet. Je ne voulais pas néanmoins quelqu’un qui soit trop techno. Parce que j’avais aussi besoin de pouvoir échanger sur des aspects commerciaux, stratégiques et je ne voulais pas un geek à côté de moi je me serais senti un peu seul. J’ai rencontré des amis d’amis, j’avais lancé une sorte de petit recrutement dans mon réseau et à l’occasion d’un dîner avec Annabel – que je connaissais dans un cadre totalement différent – je m’en suis ouvert à elle et j’ai constaté qu’elle avait exactement ces compétences et elle s’est dit que cette aventure la tenterait bien.
Faites-vous plaisir, mangez mieux s’il vous plaît. Jetez vos knacki ball et vos jambons aux nitrites et faites-vous plaisir !
On trouve que les petits producteurs sont des gens qui mériteraient de vivre mieux de ce qu’ils font et qui mériteraient d’être valorisés; quand on voit ce que gagne un paysan ou un artisan, on est gêné aux entournures. Mais il faut être honnête, il y a aussi un aspect beaucoup plus pragmatique qui est que pour faire une alimentation savoureuse et saine, il faut changer de paradigme. A partir du moment où on rentre dans des volumes au-delà d’un certain seuil (qui est différent pour chaque produit), par exemple si j’ai un élevage de porcs et que j’élève plus d’une centaine de porcs, je vais être obligé de rentrer dans une logique d’élevage en batterie. A partir du moment où je fais du saucisson, si je fais plus que 300 kg de saucisson par semaine, je suis obligé de rentrer dans des procédures où je vais mettre du nitrite parce que sinon je ne vais pas savoir garantir la sécurité sanitaire de mes produits.
Donc le petit producteur c’est la garantie qu’on n’est pas obligé de mettre de conservateurs, qu’on peut prêter à chaque produit l’attention qui lui permet d’être savoureux in fine. Les petits producteurs c’est la seule solution pour manger mieux.
Au-delà d’un certain volume, quelle que soit l’industrie alimentaire, vous êtes obligé de rentrer dans des logiques de flux qui vous font mettre des adjuvants soit pour conserver, soit pour réduire le coût, soit pour améliorer l’aspect.
Le futur idéal du marché de l’alimentation ce serait la multiplication des producteurs. Et au lieu d’avoir un industriel qui dans une ville en Bretagne, fait 5 000 tonnes de saumon fumé ou 10 000 tonnes de jambon sous plastique, on ait une multitude de gens sur le territoire qui font des produits qui s’y substituent, du saumon fumé et du jambon, mais bon et savoureux. Je pense que cela passera par un renouveau des commerces de proximité et par l’invention de nouvelles méthodes de vente en ligne.
Temps Gourmand va contribuer à cela et nous ne serons pas les seuls d’ailleurs parce que sur le marché alimentaire on sera nombreux, c’est le marché principal, c’est ce que les gens consomment tous universellement, c’est ce dans quoi on dépense le plus, c’est un marché qui est immense et donc on sera une partie de la réponse à ce besoin.
Parce que les choses qu’on produit chez nous, le manger local, qui est une vraie tendance et une tendance intelligente, ça permet de manger ce qu’on produit localement. Donc je suis très content d’habiter en PACA parce qu’on est en mai et j’ai déjà des cerises locales, des fraises, mais je pense à mes amis lillois qui se disent « je voudrais bien manger des produits d’ailleurs », si jamais on est dans un schéma de commerce classique, il faut que quelqu’un fasse des stocks, il faut qu’on mette des conservateurs pour absorber le temps de transport, de consommation des stocks etc. et c’est là qu’intervient la vente en ligne. Ce lillois qui veut aussi des fraises, les fraises elles sont le lendemain chez lui. Elles peuvent être prises dans le champ et soit je les retrouve sur mon petit marché à Marseille le lendemain, soit il les retrouve lui dans son point relais ou dans sa boîte aux lettres adaptée le lendemain, et ça n’est possible qu’avec l’économie numérique.
La grande distribution va évidemment investir dans ce secteur et d’ailleurs ce n’est pas le problème. Le problème ce ne sont pas les acteurs, je ne pense pas que les gens de la grande distribution se réunissent le soir pour boire le sang de leurs consommateurs nourris au glyphosate. Je pense juste qu’ils ont des paradigmes de rentabilité qui reposent sur des idées idiotes mais je suis persuadé qu’ils aimeraient faire ce qu’on fait nous, de beaux produits.
Mais ça n’est pas possible dans leur logique de flux. Quand on a trois tonnes de yaourt qui arrivent dans un magasin, il ne peut pas être de la veille, alors que quand on achète les produits en ligne c’est possible. Donc c’est probable que ces gens-là demain, fassent les mêmes choses que nous, c’est possible d’ailleurs que dans dix ans, Temps Gourmand ait racheté Casino ou soit une filiale de Casino.
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